
Oui j'ai fait un burn-out!
C'était en 2017 et il m'a fallu 7 ans pour me relever...
Les mots en gras dans le texte sont fondamentaux pour comprendre le processus.
Ce que j'ai vécu a été violent, déstabilisant, destructeur, j'ai vécu l'isolement, l'incompréhension des faits, j'ai été abasourdie par tout ça et aujourd'hui encore je m'interroge sur le déroulement de cette descente aux enfers.
Mais commençons par le début: comment est-il arrivé? Qu'est-ce qui l'a déclenché? Pourquoi je n'ai pas su m'arrêter avant?
Il est important pour moi aujourd'hui de témoigner de mon vécu et de vous apporter des notions et des informations utiles qui vous permettront peut-être de ne pas sombrer à votre tour u au pire des cas de vous sentir moins seul-es.
En janvier 2017, j'ai commencé une formation pour être animatrice en gériatrie. Depuis 2011, je travaillais en tant qu'aide-soignante en EHPAD, de nuit. Malgré des difficultés de rythme surtout pour dormir en journée (je dormais entre 3 et 5 heures par jour) avec un rythme de petites et grandes semaines (les soignants savent de quoi je parle ;)), j'adorais mon travail. Ce n'était pas un emploi alimentaire pour moi, c'était réellement une vocation.
Malheureusement en 2015, j'ai eu un accident du travail et suite à un arrêt de 6 mois, et une reprise à temps partiel thérapeutique, j'ai été déclarée "inapte au métier d'aide-soignante" (incapacité professionnelle). Mon dos a lâché et je ne pouvais plus forcer avec, plus porter le matériel, les seaux de lavage..., plus faire de torsion du buste (passer la frange...), plus me pencher en avant.
Bref, celà n'a pas seulement eu un impact sur ma vie professionnelle, mais aussi dans mon quotidien, et c'est toujours le cas aujourd'hui. J'ai fait les démarches auprès de la MDPH pour avoir une reconnaissance de travailleur en situation de handicap, et depuis, j'en fait partie.
En tant que titulaire d'un poste d'aide -soignante, la DRH m'a proposé une reconversion professionnelle dans l'animation en gériatrie:
- "La structure prend en charge tous les frais: formation, déplacements, logement.... En contre partie, vous vous engagez à aller au bout de votre formation et à faire en sorte de réussir.
-"Oui, biensure, vous pouvez compter sur moi! J'aime l'animation, c'est mon métier de coeur, il n'y aura aucun problème."
C'était inespéré, l'animation a été mon premier boulot: je l'ai exercé pendant plus de 10 ans en saisons. Donc je me suis engagée à me former pour acquérir le grade nécessaire et exercer ce métier humain, valorisant pour soi et pour les personnes âgées, et tellement passionnant car il y a tant à faire (surtout en gériatrie)!
J'ai passé les épreuves d'entrée en formation du BPJEPS Animation Sociale en fin d'année 2016, et en janvier 2017 j'ai commencé mon alternance.
Ce terme d'alternance est très important à ce moment du récit, car c'est un des points qui m'a entraîné dans la chute.
J'entre en formation en étant interne sur le site, car j'habite à 1h30 de route et qu'il y a la possibilité de rester en internat.
Je suis super motivée, gonflée à bloque: c'est un nouveau départ, j'adore apprendre et acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles connaissances. Je suis dans mon élément, la formatrice est juste géniale, et nous formons rapidement une bonne équipe d'apprenants avec une super ambiance.
Je travail sur au sein de deux EHPAD éloignés de 26 kilomètres l'un de l'autre, à mi-temps sur chaque établissement. Je suis très rapidement affectée au "secteur fermé" comme on les appelait à ce moment-là. Ce sont des parties (couloirs) des EHPAD qui sont protégées par des portes à codes, pour empêcher les résidents avec "démences" (Alzheimer, Parkinson, AVC...) de se perdre ou de fuguer.
J'adore ce public, j'y suis sensible et ils-elles sont tellement attachants-es, vrais, authentiques. Pour moi, c'est un défi au quotidien de trouver des activités pour les faire sortir de leur isolement. Je comprends très vite que la stimulation de ce qu'il reste des acquis, est essentielle pour communiquer avec ces personnes. Quand certaines de mes collègues ne voyaient pas l'intérêt de faire participer une résidente à un atelier, moi je voyais que ses yeux s'illuminais et que son sourire revenait durant cette petite heure d'atelier.
J'ai fait danser des messieurs qui étaient à forts risques de chute, j'ai fait chanter des dames qui ne parlaient quasiment plus ou dont les paroles étaient inaudibles. J'ai aménagé le seul balcon du secteur (et oui, bizarrement, les secteurs protégés se situent aux deuxièmes étages des établissements par ici !), avec des bacs et des fleurs, de la pelouse artificielle, j'ai réussi à faire en sorte qu'il soit sécurisé pour qu'il n'y ait aucun risque de chutes. J'ai mis un petit banc et j'ai mis des couleurs sur ce vieux balcon dont la peinture rose-gris pourrie par les intempéries, était devenue réellement très moche et déprimante.
J'ai tout fait pour que ça ne coûte rien à la structure et à l'association des familles des résidents. J'avais fait la demande de financements d'un peu de matériel, mais elle a été refusée. Alors j'ai fait de la récup' et j'ai investi un peu de mon argent personnel.
Je me suis beaucoup investie, car pour moi, il ne pouvait pas en être autrement. Mon projet d'animation durant la formation était en lien avec un mieux-vivre en EHPAD et surtout en secteur protégé en se basant sur les capacités résiduelles des résidents, le tout sur le thème de la musique et de la danse adaptée.
L'idée d'un investissement important est un autre point de chute vers le burn-out.
J'ai travaillé avec des personnes toxiques, et certaines de mes supérieures hiérarchiques étaient aussi très toxique. Je ne vais pas développer cet aspect des relations professionnelles ici, mais c'est l'un des autres points de chute.
Quand la jalousie, l'incompétence, le sentiment de supériorité et la non reconnaissance de l'autre sont présents au quotidien dans votre vie professionnelle, ça fait des dégâts irréversibles.
Au bout de 6 mois de cette alternance, je commence à me dire que j'ai besoin de plus me libérer plus de temps sur mon temps de travail pour avancer sur mon projet d'animation, car jusque là, je travaillais essentiellement avec les résidents tout le temps de ma présence sur les structures et je ne m'octroyais pas de temps d'écriture, de préparation ,d'évaluation des activités. Tout ce travail je le faisais chez moi, en plus du reste de la formation (écriture de dossiers, recherches, écritures et mise en place d'ateliers pour les temps en formation...).
Je faisais tout ce travail chez moi durant mes congés, mes week-ends, les jours fériés, les ponts... Au final, la formation durait 1600 heures (théorie + pratique en dix-huit mois) et j'ai passé autant de temps sur mon temps personnel, de repos à faire mes écrits et mes recherches (en 11 mois). C'est un autre point de chute.
J'ai fait la demande auprès de la cadre supérieure du service pour me dégager 1/2 journée par semaine et par établissement pour faire du travail de bureau. Elle me l'a refusé prétextant que j'étais là pour travailler avec les résidents et non pour rester devant un ordinateur. De plus, nous ne croisions pas souvent sur les structures, je passais donc par les mails pour m'adresser à elle. Elle me le reprochera durant mon entretien professionnel en me disant que je ne sais pas m'adresser par écrit à une supérieure hiérarchique, que je ne mets pas les formes nécessaires, et qu'il vaut mieux que j'arrête d'échanger avec elle sous ce format.
Suite à ce refus, je me suis adressée directement à la DRH, car je voyais que je m'épuisais. Mais là encore j'ai eu un refus... Pourquoi?
A cause des tensions dans les équipes. Mes 2 collègues animatrices (1 dans chaque structure) se sont senties flouées ou je ne sais quoi, peut-être dépassées ou incompétentes... C'est vrai qu'elles avaient toutes les deux du mal à intervenir en secteur protégé: l'une ne savait pas du tout comment comment s'y prendre ce qui la rendait très maladroite et "bousculante" parfois. Et l'autre débutait en gériatrie: elle avait énormément de connaissances théoriques, mais n'était pas non plus très à l'aise. Toutes les deux fuyaient ces secteurs. Il n'y aurait pas dû y avoir de problèmes. Nous étions plutôt complémentaires, mais des tensions sont apparues et il nous arrivait de nous éviter ou de ne plus arriver à communiquer ensemble. Ca se ressentait dans l'équipe.
De plus, c'est bien connu maintenant, les métiers du soin, surtout en EHPAD sont sous tensions permanentes: aucune reconnaissance de la part des supérieurs hiérarchique, absentéisme récurrent, manque de moyens humains et financiers, horaires décalés, rythmes de travail intenses, personnels plus ou moins impliqués dans leur métier, égos surdimensionnés....
Tout celà créait naturellement des tensions entre collègues dans les services.
Une des deux cadres de service s'est retrouvée en burn-out avant moi et a été contrainte de se mettre en arrêt. C'était la plus bienveillante, à l'écoute et compréhensive des deux. L'autre était un petit chef supérieur au reste des salariés, minaudait devant la hiérarchie et imposait un fonctionnement dans lequel personne ne se retrouvait.
Bref, j'ai continué à travailler sans rien lâcher, au même rythme pour avancer dans ma formation, en me sentant de plus fatiguée, sur les nerfs, en pression, en stress avec la peur de ne pas y arriver durant les mois suivants. Les trajets en voiture entre les deux EHPAD et mon lieu de formation étaient énergivores et une source de stress supplémentaire.
Le 15 Novembre 2017, je me rappellerais toujours cette date, puisque c'est la fête du Beaujolais nouveau. J'arrive le matin à l'EHPAD avec mes activités et mon organisation de la journée comme je le fais tous les jours. Je pose mes affaires dans le bureau et je commence à préparer ma journée.
Une collègue vient me voir et me dit: "Est-ce que tu sais que C. (l'animatrice de la structure) n'est pas là aujourd'hui? Elle a prévu des choses qu'il faut préparer pour l'apéro des résidents (120 dans cette structure)".
N'étant pas au courant, je lui demande si c'était prévu ou si il lui est arrivé quelque chose... Je l'avais eu au téléphone la veille, car j'étais sur l'autre structure, et elle ne m'avait pas prévenu qu'elle serait absente.
- "Elle fait grève!"
- "Ok, pourquoi elle ne m'a rien dit??? Qu'est-ce qu'il faut préparer?"
- "Il faut couper les 2 grosses terrines en morceaux pour tout le monde, préparer les verres de vin et couper les tranches de Beaufort en petits carrés, puis aller les distribuer dans les étages".
- "D'accord, tu sais où tout ça se trouve? Je n'en ai aucune idée..."
- "Oui, viens avec moi je te montre"
Dans ma tête ça tourne en boucle: "pourquoi elle ne m'a rien dit?", "est-ce que je n'ai pas entendu ces informations hier au téléphone?", "combien de temps ça va me prendre, j'ai prévu d'autres activités aujourd'hui...), "à cette heure-ci il n'y a personne pour m'aider, c'est l'heure des toilettes et des petits déjeuner", "comment je vais faire?", "oui je sais faire, mais elle ne m'a pas prévenue", "qu'est-ce que j'ai fait pour qu'elle ne me dise rien"... Ca tourne en boucle...
- "Ah bien non, le vin n'est pas là, et je n'étais pas là hier, donc je ne sais pas où il est stocké"
- "Ah mince, c'est pas vrai!!!! qui pourrait nous dire où il est?"
- "J'en sais rien..."
Et je pars à la recherche du vin, pendant 30 min à peu près je cherche partout où je pense qu'il peut être. Puis une autre collègue arrive des étages, et me dit qu'il est resté dans le garage au sous-sol, car il n'y avait plus personne pour le monter quand il a été livré.
Ouf, c'est un soulagement! Et "P**** c'est pas possible, c'est une perte de temps !!!!" s'insurge mon cerveau.
Pendant les 45min suivantes, je prépare les plats, les gobelets, les chariots pour que tout soit prêt pour 11h15 max. Heureusement, la collègue qui est de service ce jour-là au rez-de-chaussée vient me donner un coup de main quand elle a fini le service du petit déjeuner.
Tout est prêt à l'heure. Je n'ai pas pu faire l'activité prévue ce matin, mais au moins l'apéro est prêt! "qu'est-ce qu'il s'est passé?", "C'est incompréhensible!", "j'en peux plus, j'en ai marre!', "quand c'est pas la cadre qui change l'organisation, c'est ma collègue qui me lâche", "je n'y arrive plus, j'ai besoin de faire un break, je veux que ça s'arrête". Ca tourne en boucle, et encore et encore...
Je garde le demi-sourire que j'ai plaqué sur ma figure depuis que je suis arrivée, et je fais ce qui a été prévu à mon insu. Je monte les chariots dans les étages, et je discute avec les collègues.
Une fois que j'ai fini, il est déjà midi. Je redescends dans le bureau et m'assois devant mon ordinateur.
Je suis bloquée.... Je n'arrive plus à penser correctement... je n'arrive pas taper deux mots sur mon clavier... je ne pense plus ...
Je réaliserai plus tard qu'à ce moment-là, mon cerveau a fait un "total reset". C'est comme ça que j'appelle encore cet instant quand je parle de ce burn-out et des difficulté cognitives que j'ai rencontrées par la suite.
"Qu'est-ce qu'il faut que je fasse déjà?" ... "Cet après-midi il y a un intervenant qui vient dans le secteur protégé" ... "Il faut que j'appelle la psychologue du service, quelque chose ne va pas" ...
Je lui explique la situation du début à la fin, mon incompréhension, ma colère, mon incapacité à faire plus.
- "Ecris-lui un mail en expliquant ce que tu viens de me dire et ton ressenti, elle le trouvera demain matin en arrivant et vous pourrez en reparler tranquillement"
- "D'accord, je fais ça"
J'écris le mail, je lui envoie.
Je n'ai pas faim, je ne mange pas. 13h30 arrive et l'intervenant aussi.
- "Je ne vais pas pouvoir rester avec toi aujourd'hui, il faut que je parte"
- "Ok pas de soucis, je les connais bien maintenant, je peux gérer seul"
- "D'accord, je vais prévenir l'équipe"
Je monte à l'étage, je préviens que je dois partir, que je ne peux pas finir la journée.
Je range mes affaires, je rentre chez moi.
Je suis dans le brouillard, je ne comprends pas ce qui se passe. Je sais que je dois rentrer pour me protéger. Je me sens en danger.
Ca fait des semaines que je dors mal. Je rumine, ça tourne en boucle dans ma tête, la journée, la nuit (j'ai beaucoup de mal à m'endormir, je me réveille en pleine nuit pendant des heures) je tourne et me retourne. J'aimerai poser mon cerveau sur la table de nuit et dormir, mais c'est impossible! Le matin, je ne pense qu'à ça en me réveillant. Mes nuits ne sont pas réparatrices et ça fait un bon moment que ça dure.
Je pense sans arrêt à mon travail, mes journées, l'organisation, mes ateliers, mes relations avec mes collègues. Je stresse pour la formation, surtout que la semaine suivante j'ai ma première évaluation sur le terrain. C'est une routine pour moi, je sais faire, il n'y a pas de raison que ça ne marche pas...
Le lendemain matin j'arrive à l'HEPAD, ma collègue est là.
- "Je ne t'ai rien dit parce que c'est mon droit d'être en grève, et que je n'ai pas à te prévenir, c'est un droit personnel. J'ai prévenu la cadre et c'est tout"
Qu'est-ce que je suis sensée répondre à ça ? Elle a raison d'un côté, elle n'a pas à me dire ce qu'elle fait. Sauf que là ça m'a mise en difficulté.
- "OK, tu aurais peut-être pu me dire ce que tu avais prévu hier pour que je ne prévois rien d'autre de mon côté?"
- "Il n'y avait rien d'extraordinaire! Tout était prêt!"
- Bin non en fait, on a du tout couper, le vin n'était pas stocké au bon endroit, je n'ai pas pu faire les ateliers que j'avais prévus..."
- "J'avais demandé à ce que tout soit coupé et prêt à être servi, il n'y avait plus qu'à répartir dans les étages... Et pour le vin, je n'étais pas là quand il a été livré, je n'en sais rien."
- " Rien n'était coupé, heureusement que N. a été là pour m'aider sinon ça n'aurait pas été prêt à l'heure !"
- "Bien, c'est fait, donc c'est bon! Il était bon le vin?"
- ......................................... "Je ne l'ai pas goûté !"
Je ne comprends rien. Qu'est-ce qu'elle me dit? Je me suis fait une montagne d'un truc sans importance? Réellement? Je suis vraiment nulle! Qu'est-ce que je crois, que les autres me doivent tout? Je suis vraiment une incapable, c'est pas possible... Qu'est-ce que je suis conne!
Je dois me reprendre. Je ne peux pas continuer comme ça. Il faut que j'arrête de penser à tout ça. Mais c'est impossible. J'ai déjà passé le cap du retour en arrière.
J'ai eu mon évaluation annuelle avec la cadre supérieure de gériatrie fin octobre. Ca faisait 2 ans qu'il n'y avait pas eu d'évaluations annuelles... La fonction publique hospitalière n'est pas meilleure que le reste des entreprises dans certains domaines!
Durant cet entretien, je suis revenue sur ma demande de libérer du temps de travail pour la formation, et évidemment, ca a été un nouveau refus. Voilà ce que j'ai entendu:
- "Madame BF, ça fait un moment que vous travaillez ici, vous savez comment ça marche? "
- "oui"....
- "Jusqu'à votre accident de travail, on n'a jamais entendu parler de vous (ça faisait 4 ans). Mais depuis, vous êtes devenue le centre de nos préoccupations. Vous n'êtes pas seule à travailler sur l'ensemble de la structure, il y a 900 salariés. Vous vous rendez compte que nous ne pouvons pas faire du cas par cas, ce n'est pas possible."
- "Oui biensure! Mais je suis en formation en alternance, et je ne peux pas travailler mes supports d'ateliers sur mon temps de travail, je fais tout chez moi sur mon temps de repos."
- "Je vous ai déjà dit que ce n'est pas possible. Vous êtes au travail et vous travaillez! Et pourquoi avez-vous demandé la capacité d'accueil de la salle commune?"
- "Parce que je fais une après-midi spectacle pour noël, en invitant tous les résidents et leurs familles. Ce sont les résidents du secteur protégé qui seront sur scène et qui feront le service...je ne veux pas qu'il y ait de problème avec la capacité en nombre de personnes que peut contenir la salle. Au niveau sécurité, il faut que je sois vigilante: les portes qui donnent sur l'extérieur doivent être libres et pas fermées à clé, il faut laisse suffisamment d'espace entre chaque rangée de sièges et de fauteuils roulants pour l'évacuation en cas d'urgence. Je dois prévoir tout ça et N. (ma collègue animatrice de cette structure-ci) n'a pas su me dire ce qu'il en est."
- "Ca fait plus de 15 ans que N. travaille ici, elle a toujours fait sans savoir, et il n'y a jamais eu de problème! Vous faites des histoires pour rien. Je vous demande d'arrêter de chercher le moindre petit truc qui ne va pas comme vous le voulez. Et je vous rappelle qu'il y a une hiérarchie ici. Vous n'avez aucunement le droit d'interpeller votre DRH directement. Vous devez passer par votre hiérarchie! Vous en faites trop vous savez? On ne vous demande pas d'en faire autant, vous êtes en apprentissage, vous n'avez pas encore le diplôme, alors arrêtez d'en faire autant. Est-ce qu'on est bien d'accord?"
- "Oui bien sûre".
- "Vous n'êtes pas idiote, vous comprenez ce qu'on vous dit, alors faites votre travail, c'est tout ce qu'on vous demande."
- "D'accord, merci pour cet entretien."
A ce moment-là j'ai un déclic qui se fait: on valorise réellement l'incompétence et le minimum d'implication dans cette structure !
Je ne me sens plus à ma place. Je me demande ce que je fais là. C'est la première fois qu'on me dit que j'en fait trop, alors que pour moi, c'est le minimum à faire avec les moyens que j'ai. Comment est-il possible de changer le bien-être des résidents avec cette façon de penser et d'agir. En faire un minimum et surtout ne rien demander, ne pas parler trop fort et aux mauvaises personnes, ne pas s'impliquer, ne pas aller au bout de ses idées finalement, car en sachant que c'est trop, on réduit forcément le nombre de ses actions et leur qualité. C'est exactement ce que faisait N. depuis des années et elle est était bien vue et reconnue dans le servie. Quelle aberration ! C'était un petit mois avant le 15 Novembre.
L'après-midi du 16 Novembre, je vais sur l'autre EHPAD. Je suis en pleurs en arrivant, j'ai craqué dans la voiture. La première personne que je croise est le médecin gériatre (qui avait commencé pendant mon premier arrêt de travail en 2015). Il est aussi médecin du travail dans le secteur privé:
- "Salut, Oh là, viens avec moi dans mon bureau!"
- "Non il faut que..."
- "Viens avec moi! ... Qu'est-ce qui se passe? Tu es toute pâle, tu es malade?"
Je lui raconte ce que j'ai vécu la veille et mon échange du matin avec C. Il comprend tout de suite, et ses mots restent gravés dans ma mémoire encore aujourd'hui:
- "Tu rentres chez toi maintenant et tu te mets en arrêt, aujourd'hui ou demain. Je ne veux plus te voir."
- "Mais je ne peux pas j'ai mon évaluation la semaine prochaine, et j'ai fait une promesse, je ne peux pas me mettre en arrêt, c'est pas possible!" Je suis en larmes, je suis décomposée, je ne sais plus ce que je dois faire.
- "Je ne te laisse pas le choix, je m'occupe de prévenir tout le monde. Il faut que tu te rende compte que là, tu peux te tuer sur la route à tout moment! Tu as une famille, tu dois prendre soin de toi. Tu ne peux pas continuer comme ça. Tu n'as qu'une santé et tu es entrain de la ruiner. Rentre chez toi."
- "Ok, je récupère un truc et je pars."
- "Prends bien soin de toi et repose-toi, c'est le plus important !"
Je ne le remercierai jamais assez d'avoir été là à ce moment-là, car je me mettais en danger à chaque fois que je prenais ma voiture, je le savais. J'ai toujours pensé que j'avais un ange-gardien, et depuis toujours j'aurais pu avoir des accidents graves parfois, mais ce n'était jamais arrivé.
Depuis quelques temps, je passais plusieurs minutes à conduire sur la voie rapide sans voir la route et sans faire attention aux autres véhicules. Il m'arrivait de griller un feu rouge ou de le voir au tout dernier moment et mettre un grand coup de frein. J'avais peur des cyclistes qui arrivent de la droite, je me retournais 5 fois avant de tourner. Je pensais que je pouvais me foutre en l'air à tout moment.
Mais je n'avais pas le choix. Je m'étais engagée. J'avais dit que j'irai au bout, qu'elle pouvait compter sur moi. Je n'ai qu'une parole et je vais au bout de ce que je dis et de ce que j'entreprends.
Combien de fois on 'avait reproché quand j'étais petite de ne pas aller au bout de ce que je commençais ? Trop, et j'ai fait en sorte qu'à l'âge adulte, on ne puisse me faire ce reproche. J'en était fier, j'avais avancé sur moi-même. Mais le revers de la médaille est que je ne savais plus m'arrêter et dire "STOP".
Le lendemain, mon médecin traitant m'a mise en arrêt jusqu'au jour de mon examen. Je voulais le passer coûte que coûte. Grand mal m'a pris comme on dit.
J'ai complètement foiré mon atelier et mon oral. D'ailleurs les deux personnes du jury m'ont dit que vu mon état physique, elles n'étaient pas étonnées que je n'ai pas réussi. Elles ne savaient pas ce qui se passait, mais elles ont tout de suite vu que je n'allais pas bien.
Ce fut un échec complet. J'ai su à ce moment-là que je n'arriverai pas à finir la formation. Je suis retournée en formation la semaine suivante. j'étais un robot, je fonctionnais en mode automatique. Mais je n'arrivais plus à échanger avec mes collègues. Ils ne pouvaient pas comprendre, je me sentais seule et je m'isolais. J'ai demandé à ma formatrice si elle pouvait m'aider à trouver une solution avec mes supérieures, mais ce n'étais pas possible. Je devais m'en occuper seule, ce n'était pas dans ses prérogatives.
Je me suis sentie abandonnée. Je comptais beaucoup sur elle, nos avions partagé de très bons moments ensemble, elle était vraiment formidable. Mais elle ne pouvait pas m'aider quand j'en ai eu besoin.
On approchait de Noël et surtout du spectacle avec les résidents. C'était autour du 15 Décembre. Je ne savais plus quel jour je vivais à ce moment-là.
Je n'avais plus autant d'entrain pour préparer cet après-midi.
Quand je suis arrivée à l'EHPAD, j'ai vu que quelqu'un avait modifié au marqueur l'affiche que j'avais faite pour présenter le spectacle. Ca m'a mis un coup dans le ventre. je me suis sentie encore plus mal et en colère. J'ai su très rapidement que c'était N. (ma collègue animatrice) qui l'avait fait. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a répondu:
- "Ce n'est pas juste ce que tu as écrit, tous les résidents sont concernés, pas seulement ceux du secteur."
- "Biensure qu'ils ont tous concernés, mais ce sont eux qui seront sur scène, ce sont eux qui feront le service. De quel droit tu détruis mon travail. C'est mon projet de formation, je ne te demande rien, c'est moi qui l'ai monté et qui le fait. Tu aurais pu me demander avant de faire ça!"
J'étais furieuse, j'avais les larmes aux yeux de nouveau. Je me suis sentie flouée à mon tour, la jalousie revenait et c'était trop. Je ne le supportais pas.
Je suis rentrée chez moi et je me suis remise en arrêt.
L'épuisement professionnel était moins reconnu qu'aujourd'hui. Le médecin me parlais de dépression qui peut en être un symptôme apparenté (et qui l'étais pour moi en vérité). Mais j'étais réellement en épuisement général.
Je suis retournée une fois dans cet EHPAD pour enlever tout ce que j'avais construit depuis le début de ma formation. J'ai tout récupéré: les bacs, les plantes, le banc, la pelouse synthétique, les décorations de noël et le sapin en plastique que j'avais rapporté de chez moi. J'ai récupéré tous les documents pédagogiques que j'avais créés, tout le matériel que j'avais acheté avec mon propre argent et j'ai vidé mon bureau.
Je ne reviendrai plus jamais travailler dans ces services. je ne le savais pas encore, mais ça n'arriverait plus.
Quelques jours plus tard, je suis convoquée (malgré mon arrêt de travail) avec la DRH.
Je suis anéantie, je sais ce qu'elle va me dire: qu'elle ne peut pas compter sur moi, que j'ai fait une promesse, que je m'étais engagée...
Ce que j'entends est pire que ça!
- "Madame BF, ça fait un moment que vous ai dans le collimateur. J'ai souvent entendu parler de vous. Vous mettez le bazar dans les services, auprès de vos supérieurs hiérarchiques et ce n'est pas supportable! Vous êtes débile, ce n'est pas possible! Vous ne comprenez rien! On vous a demandé de faire votre travail et rien d'autre. Vous n'arriverez jamais à rien! J'ai lu votre projet d'animation, je vous pensais plus intelligente que ça, mais apparemment je me suis trompée! On ne peut pas vous faire confiance! Qu'est-ce que vous voulez à la fin? Dites-moi ce que vous voulez faire!"
Qu'est-ce que je veux? Je suis une incapable? On ne peut pas me faire confiance.... C'est vrai. Je ne sais pas ce que je veux... Je ne sais plus où j'en suis... J'ai besoin de rentrer chez moi et de m'enfermer. Je ne veux plus voir personne.
- "Je vous écoute, vous voulez quoi?"
- "Je ne sais pas, je ne sais plus..."
Je suis en larmes, j'ai les cheveux devant la figure, je suis pliée en deux en j'ai mal dans le ventre. J'ai l'impression qu'un rouleau compresseur m'a roulé dessus. Je me sens une moins que rien. Je me fais laminer, écraser, enfoncer à cent pieds sous terre. J'ai l'image d'une vieille serpillère sur laquelle on s'essuie les pieds qui s'imprime dans mon cerveau. On me parle comme à un chien, pire qu'un moins que rien. On me détruit ouvertement et je ne peux pas me défendre. Je suis seule, personne n'est là pour me défendre. Je n'ai plus de forces, je veux juste partir, rentrer chez moi. Je veux qu'on m'oublie.
- "Bien madame, puisque vous ne répondez pas, et que vous êtes en arrêt de travail, je vous demanderai de revenir vers moi après votre arrêt pour que nous voyions ensemble ce qu'il est possible de vous proposer. Mais je ne vous cache pas qu'entre votre incapacité d'exercer le métier d'aide-soignante et le peu de postes autres disponibles, il n'y aura peut-être rien de possible. Aurevoir madame."
Pendant les 3 premiers mois de mon arrêt, je suis incapable de faire quoi que soit à la maison. Mon mari et mon fils doivent se débrouiller seuls pour tout faire: à manger, les lessives, l'entretien, les courses... Je passe mes journées allongée et à pleurer. Je me sens tellement inutile ! Je suis sous traitement médicamenteux et c'est ce qui me tient à flot, mais je suis incapable de faire de simples tâches. Je suis faible physiquement, moralement et je ne ressens plus que la détresse, la déprime et le mal-être général. Je vis dans un brouillard épais pendant tout ce temps, d'ailleurs ce brouillard va s'alléger légèrement au fil des mois, mais il restera omniprésent jusque très dernièrement.
Après 6 mois, le médecin du travail de l'hôpital me dit qu'il est temps que je reprenne un emploi, et elle me propose de me former au secrétariat des urgences de l'hôpital.
Ok pourquoi pas, je vais un peu mieux, je suis toujours sous traitement, je suis extrêmement fatiguée, mais je veux bien tenter de reprendre pied tout doucement.
Ma formation dure 3 semaines, j'ai du mal à comprendre le fonctionnement administratif et le logiciel informatique, mais après quelques erreurs, j'arrive à faire la plupart des taches.
La médecin du travail me reconvoque et m'annonce qu'il n'y a qu'un poste disponible, c'est un poste de nuit aux urgences avec des tâches aide-soignantes en plus des tâches administratives.
- "Pardon, je ne comprends pas. Je ne veux pas retourner travailler de nuit, je l'ai fait pendant 4 ans, ce 'est plus possible, en plus je suis encore sous traitement. Non, je ne retournerai pas travailler de nuit en tant qu'aide-soignante! Hors de question!"
- "Ecoutez madame, c'est à prendre ou à laisser, c'est le seul poste disponible que nous pouvons vous proposer. Madame R. la DRH vous le propose, il n'y a aucune autre option."
- "D'accord, je vais y réfléchir..."
Je suis encore une fois atterrée par ce que je viens d'entendre. Nous travaillons dans l'hospitalier, avec des humains, des services spécialisés, des personnels en souffrance... et qu'est-ce qu'on me propose? De retourner me mettre en difficulté! De mettre ma santé en danger une nouvelle fois! ... Il n'y a vraiment aucune considération pour la personne, pour l'humain.... Je suis dégoûtée.
Je suis de nouveau en arrêt le temps de faire une demande de mise en disponibilité.
Pendant deux ans, j'essaie tant bien que mal de me remettre, mais des problèmes familiaux perdurent: mon fils a été diagnostiqué TDAH avec hyperactivité +++ et TOP (Trouble de l'opposition avec provocation). Il est au collège et ça se passe mal. L'équipe éducative ne veut pas entendre parler de ce trouble, comme beaucoup (médecins compris), personne n'y croit. Tout le monde pense que ça n'existe pas et que c'est seulement un problème éducatif de la part des parents. L'enfant roi à qui on passe tout ... et qui n'a ni cadre ni repère ....
Ce thème fera l'objet d'un autre article de ce blog.
Pour conclure sur mon burn-out: il me faudra sept longues années de brouillard, de plus aucune confiance en moi et en mes capacités, plus d'estime de soi, aucune certitude sur mon avenir professionnel, sur mes compétences, je suis terne, je n'ai plus de joie de vivre, je suis vidée.
Pourquoi je n'ai pas fait de travail sur moi avec un-e professionnel-le?
Parce que je n'ai plus de revenus à partir du moment où je suis en disponibilité. Avant celà j'étais trop épuisée, mon fils n'allait pas bien , je devais être présente à tout moment pour lui malgré mon épuisement. Je passais des journées entières allongées devant la télé pour penser à autre chose et surtout pas ce que j'avais vécu. Je n'arrivais plus à lire, moi qui dévore les bouquins en temps normal. Je ne comprenais pas ce que je lisais, et mes yeux étaient trop vite fatigués.
J'ai repris un petit boulot de quelques heures de ménage et de surveillance des enfants pour une commune de Tarentaise pendant quelques mois. Mais j'avais de plus en plus de tâches à faire qui étaient ajoutées à ma fiche de poste, sans augmentation de mon temp de travail.
Pour compléter, je faisais du ménage dans un petit accueil de loisirs en station les mercredis et les vacances scolaires.
Mais, le collège de mon fils m'appelait presqu'un jour sur deux pour que je vienne le récupérer pendant le temps de midi car ils ne pouvaient pas le garder. J'ai donc décidé de rompre mes deux contrats. La vie de mon fils n'était qu'à son début. Pour moi il était plus important que je sois présente pour lui, car je savais que le jour venu, je serai capable de reprendre n'importe quel travail.
Je n'avais de nouveau plus aucun revenu. pendant les 3 années suivantes, je me suis occupée de ma santé (en me reposant essentiellement) et de mon fils. Rien d'autre. Je n'arrivais plus à faire deux choses en même temps, j'étais lasse dès que je commençais une tâche, tout était plus difficile, plus long et plus fatigant.
En 2020,j'ai repris un p'tit boulot d'animatrice dans un accueil de loisirs (mercredis et petites vacances scolaires). Mon fils était e apprentissage dans une MFR et il avait décidé de son avenir professionnel, il avait trouvé un métier qui lui plaisait (si seulement celà avait été aussi simple!!! mais ça ne durera pas, j'en parlerai dans un prochain article...).
Voyant que j'avais encore des compétences dans le domaine de l'animation, je me suis formée au BAFD (puisque que je n'avais pas pu finir mon BPJEPS), pour devenir directrice d'un accueil de loisirs.
J'ai repris un peu confiance en moi durant les deux années de mon parcours de formation. En 2021, l'association pour laquelle je travaille d'abord que les mercredis et une partie des vacances scolaires ouvre un poste de directeur d'ALSH. Je postule en précisant bien que mon fils est ma priorité et qu'il se peut que je doive parfois partir en cours de journée, mais que je me sen prête à reprendre un emploi à temps plein.
Je suis embauchée, et durant les deux années où j'exerce au sein de cette structure, jr reprends lentement confiance en moi, et mon estime de soi remonte aussi doucement.
J'arrive à mener des projets, à améliorer certains aspects du fonctionnement de l'accueil de loisirs. Mes collègues sont à l'écoute et attentifs à certaines difficultés que je rencontre, mais dans l'ensemble je me surprends à avancer et à réussir.
Cependant ne nous leurrons pas.... le burn-out est sournois et revient à la charge dès que des évènements trop importants et répétitifs surviennent.
Pour moi, ça a recommencé avec une baisse de vitalité, des ruminations de nouveau, une incompréhension de ce qu'on me demandais, une impression de ramer dans le mauvais sens, de ne plus être à la hauteur, de ne plus savoir trouver de solutions pour gérer les problèmes. Tout le monde connaissait les problèmes liés à la situation géographique de la structure et aux manques de moyens matériel et humains auxquels nous faisions face depuis au moins deux ans. Ce n'était pas nouveau. Celà créait du stress, de l'angoisse, de l'incertitude et des insomnies: allions-nous pouvoir ouvrir pendant les vacances? C'est la question qui revenait à chaque période de vacances scolaires.
La période d'avant l'été était la plus difficile au niveau recrutement et logement: aucun logement saisonnier dans la vallée, et encore moins d'animateurs véhiculés au minimum.
Au mois d'Aout 2023, je suis de nouveau en arrêt, je ne gère plus mes émotions, mes échanges, ça crée des tensions dans l'équipe, je suis de nouveau très fatiguée.
Je reprends un temps partiel thérapeutique au mois de septembre, l'été a été très difficile avec une directrice non professionnelle qui a fait n'importe quoi. Reprendre derrière elle a été la galère pour mes collègues et pour moi.
J'organise mon temps de travail partiel suivant mes besoins physiologiques, mes capacités d'attention et de travail et j'anticipe tout pour n'avoie à gérer que les urgences au coup par coup. Ca fonctionne, je me remet rapidement à flot et j'enclenche le mode "navigation automatique"...
Au mois de novembre 2023, nouveaux recrutements pour les vacances de fin d'année: on ne peut ouvrir qu'une semaine sur les deux malgré les demandes des parents (saisonniers).
Ce n'est pas de ma faute, il n'y a plus d'animateurs depuis le Covid, et comme nous sommes incapables de les loger, c'est mission quasi impossible! En plus nous apprenons en septembre que notre budget prévisionnel est amputé d'une somme importante, la fin de l'année va être tendue et le budget de l'année suivante sera surement impacté aussi.
Cette situation met tout le monde en tension.
Ma directrice met une première fois en doute mon arrêt de travail (mon temps partiel thérapeutique) en cette fin d'année. Je lui dit que mon travail est très bien organisé comme nous l'avons prévu ensemble, que ce n'est pas un frein pour moi, bien au contraire. J'y trouve mon compte en alternant périodes de travail et de repos réguliers. En revanche, j'ai bien réfléchi, et si quoi que ce soit se mettait de nouveau en travers de mes compétences, je romprais mon contrat. Il est hors de question que je retourne en burn-out.
La nouvelle année commence tant bien que mal. Ayant fait le choix de partir si j'étais de nouveau en grande difficulté, je vis les choses différemment. Je vis mes relations avec mes collègues sous un nouvel angle de vue, et il ne faut pas longtemps pour que je réalise que "l'esprit d'équipe" qui était si important pour moi jusque là n'était qu'un leur.
Les différentes personnalités me sautent aux yeux, et les personnes en qui je croyais pouvoir avoir confiance me démontrent inconsciemment que ce n'est pas le cas.
Je fais deux grosses crises d'angoisse durant cette période. C'est la première fois que ça m'arrive et je ne sais pas ce que c'est la première fois. Je comprends que ça ne va plus. Quelque chose a changé en moi et autour de moi. Je réalise que mes valeurs ne sont partagées par personne. Que je ne suis plus à ma place.
Je perds pied une nouvelle fois et pourtant tout est beaucoup plus limpide que ça n'a jamais été.
Je vois mes collègues tels qu'ils-elles sont réellement, et je réalise que je me suis leurrée toute seule en voulant à tout prix croire que j'étais comme eux-elles: capable de faire équipe, capable d'être une professionnelle aguerrie qui surmonte toutes les difficultés, croire que je suis soutenue quoi qu'il arrive, croire que les autres voient et pensent comme moi.
J'accuse le coup, et je vois qu'une nouvelle fois que c'est moi qui met la mauvaise ambiance dans l'équipe avec mes visions empathiques, de vouloir faire équipe, de vouloir exprimer ce que je pense et ce que je ressens, car je me crois en sécurité, ma manière d'être et de dire les choses...
Je suis à côté de la plaque, les égos sont trop importants et peut-être certains vécus difficiles sont aussi présents chez certains-es.
Malgré tout je vais bien, je suis lucide pour la première fois depuis que j'ai commencé à travailler là. Je dois prendre un décision, je demande à mes collègues ce qu'ils pensent de la situation et je leur explique comment je vois et je vis les choses. Ca ne fait pas écho, chez aucun-e d'entre eux.
Je ne suis pas à ma place, je le comprend enfin!
J'envoie ma lettre de démission le 1er février avec un préavis de 2 mois. Je suis en arrêt de travail le jeudi de la même semaine, ce qui me laisse le temps de clore ce qui était en cours, de dire aurevoir à tout le monde, de transmettre les informations importantes à ma collègue et de vider mon bureau.
Je sais que le burn-out est toujours présent en moi et qu'il peut ressurgir à n'importe quel moment. Je suis fragilisée de ce côté là, c'est pourquoi il m'est maintenant impossible de retourner travailler sous les ordres ou une manière de faire et de voir les choses différentes des miennes. Je ne serai plus salariée ou employée, sauf en cas de besoin urgent qui mettrait ma famille ou ma vie en danger. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et j'ai profité de ce temps d'arrêt de travail pour créer mon entreprise et être prête à accueillir et à aider, accompagner les personnes qui vivraient la même chose que moi, ou en tout cas quelque chose qui s'en approche.
J'en suis sortie différente, j'ai perdu certaines de mes capacités et j'espère encore en développer de nouvelles. Je ne suis plus la même personne. Il m'a fallu très longtemps pour accepter que j'avais perdu une partie de moi-même ce jour du "total reset". Je suis en difficultés parfois devant des tâches que j'aurai facilement faites avant. Je manque d'assurance et je ne peux pas faire confiance à mes souvenirs des choses et des évènements. Pourtant, ceux qui ont trait à cet épisode de ma vie, sont clairs et bien présents. Mais le passé (j'avais déjà identifié ce problème auparavant) et ceux qui sont survenus durant les 7 dernières années qui ne sont pas en lien avec le burn-out, n'ont pas été encodés et stockés dans ma mémoire. C'est comme si mon cerveau avait fait le choix de ne garder que ce qui est essentiel à ma survie: la connaissance parfaite des évènements qui m'on fait descendre dans la pire période ma vie, et que tout le reste était sans importance. Pas de superflu pour ne pas l'encombrer inutilement.
Je ne souhaite à personne de traverser tout ça. Et si ça vous arrive ou à un de vos proches, sachez que vous n'êtes pas seul-es, nous sommes de plus en plus nombreux malheureusement.
Merci de partager ce témoignage s'il vous parle, car peut-être que quelqu'un autour de vous a besoin de le lire.
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